lundi 1 mai 2017

Y'en a marre - Va chier avec ta tolérance !



La tolérance. Ce mot qu'on utilise partout, de plus en plus, pour montrer qu'on "accepte les différences", qu'on est "pas raciste", "pas homophobe", etc. Mais la tolérance, qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est, sinon mettre une barrière, une position d'infériorité à celleux qu'on "tolère" ?

T'es pas d'accord, Poiscaille ? Alors laisse-moi te citer cette splendide citation d'Albert Jacquard, philosophe, généticien et biologiste émérite :

"Tolérer, c'est accepter du bout des lèvres, c'est bien vouloir, c'est, de façon négative, ne pas interdire. Celui qui tolère se sent bon de tolérer, celui qui est toléré se sent doublement méprisé pour le contenu de ce qu'il représente ou de ce qu'il professe et pour son incapacité à l'imposer. L'intolérance, auto défense du faible ou de l'imbécile, est certes une marque d'infantilisme, mais la tolérance, concession accordée par le puissant sur de lui, n'est que le premier pas vers la reconnaissance de l'autre ; d'autres pas sont nécessaires qui aboutissent à "l'amour des différences"."

Éloge de la différence : La génétique et les hommes


Les mots sont importants, et ces citations le montrent bien, en décortiquant le sous-entendu de la tolérance. Tolérer, c'est accepter en se laissant une réserve. C'est autoriser la différence en y mettant un bémol, une hiérarchisation entre le toléré et le tolérant.
C'est aussi se dédouaner, se montrer bon, un peu comme après une confession. C'est si flatteur de se sentir tolérant. Mais le mépris est là, fort, dédaigneux, hautain. La définition donnée par Le Larousse est sans équivoque : tolérer, c'est considérer avec indulgence quelque chose, un comportement, ne pas le punir, le laisser passer.

C'est étrange, parce que, quand j'étais jeune, dans les années '90, on parlait de respect. Ce vocable était dans les chartes de nos classes, de nos Clubs, dans les discours, dans la culture, la musique, les médias. Au fil du temps, le respect s'est mué en tolérance. Tu la sens venir, la grosse arnaque ?

Tu penses peut-être que c'est pas grand chose, cette nuance sémantique. Que le choix des mots n'est pas bien grave, du moment que y'a un bon fond derrière. Pourtant, la langue française regorge de synonymes, de définitions, de vocabulaire. Cette langue est riche, et nous permet de faire passer des messages au plus près de nos pensées. Pourquoi s'en priver ?

Et surtout, il y a le vécu. Toute ma vie, je me suis sentie "toléré.e". A l'école, parmi mes "ami.e.s", aux scouts, en famille, ... Toute ma vie, je me suis sentie "acceptée sous réserve". Seul.e.s quelques personnes m'ont respectée. En les côtoyant, j'ai enfin senti la puissance du respect, de ses implications, de sa définition intrinsèque, mais aussi de la violence arrogante de la tolérance.

Ce sentiment d'être toujours mal venue mais on-n'a-pas-le-choix-faut-se-la-coltiner, d'être évitée "avec tolérance", il ne m'a jamais vraiment quitté. Toute mon enfance, mon adolescence, ma vie de jeune adulte, j'ai eu l'impression de n'être jamais assez bien pour que les autres m'acceptent à part entière, de tout mon être.

Tu vas me dire que ça n'a pas grand chose à voir avec la tolérance, que ces gens n'étaient que des hypocrites. Et t'aurais raison. Cela dit, cette sensation d'être comme un cheveu dans la soupe, on me le faisait avaler sous de grands principes d'amitié, d'acceptation doucereuse. "On est toustes pareil.le.s". La belle blague. La tolérance, c'est ça. Une belle blague.

Alors, si tu veux émettre des idées d'adhésion à la différence, sans préjugés ni jugements, parle de respect. De bienveillance. De considération de la différence dans sa beauté et sa diversité. J'en ai marre de voir les gens clamer leur tolérance comme s'ielles étaient des grands sages, magnanimes, clairvoyant.e.s. On n'est pas "toustes pareil.le.s". On est "toustes différent.e.s". Allez chier avec votre tolérance et vos bons sentiments guimauve débordants de miel.

On demande votre respect. Pas votre condescendance.



9 commentaires:

  1. Pourquoi faut il écorcher les yeux et notre langue avec ces "é.e.s". Réduire, et corrompre la langue de cette façon m'est insupportable. Un peu de respect pour la langue française?

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    1. Pourquoi faut-il accepter ces règles d'un autre âge, édictées par de "grands messieurs" de manière arbitraire, qui les ont mises en place sous prétexte que le féminin était moins noble que le masculin, et donc à dédaigner ?
      Si la langue française ainsi écrite vous écorche la langue et les yeux, vous feriez mieux de vous pencher sur son histoire. Et peut-être découvririez-vous que cela n'est dû qu'à l'habitude de notre zone de confort, et qu'une langue est un matériau vivant ne faisant qu'évoluer.
      Pour ma part, j'ai choisi de respecter tous les genres, et de les inclure dans mon discours.

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  2. "Toute ma vie, je me suis sentie "toléré.e". A l'école, parmi mes "ami.e.s", aux scouts, en famille, ... Toute ma vie, je me suis sentie "acceptée sous réserve". Seul.e.s quelques personnes m'ont respectée."

    Un petit tour sur ce site ? (Mais il y en a plein d'autres...). Et là, peut-être, au travers des mots, une petite lumière pour expliquer tout cela... A vous lire, je n'en doute pas...

    http://www.douance.be/douance-ahp-caracteristiques.htm

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  3. Afin de tester la platitude de la machine qui me prolonge jusqu'à l'errance virtuelle et tardive, j'ai prononcé devant le micro gouguelien ces mots " va chier morue ! ". Les premières propositions du moteur de recherche m'ont mené jusqu'à ce blog. J'ai lu votre pensée inspirée par Jacquard Albert qui n'a pas évoqué son enfance traumatisée . Il a développé sa pensée. Je suis dubitatif. En quoi l'évocation de vos traumatismes a t-elle éclairer votre pensée. Loin de moi l'idée de vous provoquer madame Morue, je souhaite comprendre. Sans vous tolérer ni vous dédaigner. Respect partagé. A. L.

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  4. Je modifie une erreur d'accord :... a-t-elle éclairé votre ...

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