vendredi 13 juin 2014

L'Ipocras

Le mois passé, mon Namoureuse Bertille m'a fait savoir que le blog Cosméchics organisait un Swap, sur le thème des épices et herbes aromatiques. Ça avait l'air sympa tout plein, avec des participantes qui font de jolies choses. Et puis, il faut avouer que le thème me parlait pas mal. Je me suis donc lancée !

Au départ, j'avais deux idées : faire un savon SAF aux huiles essentielles de poivre et géranium, et envoyer de quoi faire un Ipocras digne de ce nom.

Pour te situer le machin, l'Ipocras est une boisson médiévale, bue froide, à base de vin, de miel et d'épices. Pour tout t'avouer, poiscaille, lorsqu'on s'est mariés mon Cuisto et moi, on a organisé l'évènement version médiévale, avec costumes, repas, musique, et prêtresse pour la cérémonie au pied d'un bel arbre. Le tout basé ou inspiré des coutumes de l'époque. Ce jour-là, l'Ipocras et le Clairet ont coulé à flots. 


L'Ipocras (ou Hypocras, Hyppocras, Hippocras... Il existe whatmille manières de l'écrire) était donc un vin épicé, filtré à travers un manchon d'Hippocrate. D'où son nom : 'vinum Hippocraticum'. Il était bu comme digestif, avant ou après le repas.
Au Moyen-âge, les alcools forts faisaient encore partie de la pharmacopée des médecins, et l'Ipocras était donc un remède pour favoriser la digestion ! C'est d'ailleurs pour cette raison que les recettes qui nous sont parvenues sont si précises.

Mais il ne faut pas croire que cette boisson a été inventée au Moyen-âge, on la buvait déjà en -1700 ! Des archéologues ont retrouvé une cave à vin en Israël (40 jarres, soit 2.000 litres !) datant de cette époque, et contenant des traces de vin épicé. Cannelle, miel, baies de genièvre, menthe... Cela se rapproche fortement de la recette de l'Ipocras médiéval. La découverte des jarres confirme donc qu'on buvait déjà un "vin au Pimen" à l'Âge de Bronze.

Ce Pimen a traversé l'histoire, et on en trouve des traces dans des livres de cuisine, des livres scientifiques, des traités médicaux, des livres de comptes, la littérature... Mais un jour, pense-t-on, un marchand catalan avisé a vendu ses tonneaux de Pimen sous l'appellation 'Ipocras', en référence au fameux médecin. Ce serait ainsi que l'Ipocras est devenu une boisson diététique...

Avec l'arrivée du sucre, épice plus noble que le miel dans l'imaginaire médiéval, l'Ipocras devient une boisson pour les Lords, pendant que le Pimen, sucré au miel, devient une boisson pour le peuple. Ainsi, la distinction entre Pimen et Ipocras est faite. Et vu qu'on parle plus souvent des choses de nobles dans les bouquins (surtout à cette époque), le Pimen disparaît au profit de l'Ipocras...

De médicament à la cuisine, il n'y a qu'un pas, et l'Ipocras devient petit à petit un met de choix, qu'on boit pour se délasser avec forces douceurs. De fil en aiguille, l'Ipocras fait sa place en cuisine, et il existe des recettes aussi inhabituelles que gourmandes, comme les poires ou le melon à l'Ipocras, des potages, des oeufs...


Mais l'histoire est ingrate ; avec l'émergence de boissons comme le wiskey, le cognac, la vodka... qui apparaissent au 17è siècle, l'Ipocras est peu à peu oublié... Pour connaître une reconnaissance de nos jours !

Actuellement, malgré la précision des 'prescriptions' de l'époque, il existe pléthore de recettes différentes. L'Ipocras se fait au vin rouge (à la base), blanc ou rosé, avec miel ou sucre, et, même si certaines épices reviennent, elles ne sont pas toutes les mêmes. Vous en trouverez des tonnes sur le net, mais sachez que les ingrédients comme le gingembre, la cannelle, la cardamome, le clou de girofle et les graines de paradis sont très souvent repris.

Voici ma recette, que j'ai glissée dans mon colis pour le swap :



Avoir des amis qui font du Jeu de rôle Grandeur Nature et de la reconstitution médiévale, ça aide ! Je vous ajoute donc grâce à eux deux recettes et des petits tips ! Merci Eric et Géry ! 

Voici la recette d'Eric, qui a accepté de me donner ses secrets :
  • Vin rouge : 6 Lt (cabernet merlot australien kangaroo ridge)
  • Canelle en poudre : 2 cuiller à soupe + 2 cuiller à café (40g)
  • Maniguette : 1/2 grosse cuiller a cafe, moulue (2,5g)
  • Macis en poudre : 4 cuiller a soupe (60g)
  • Muscade en poudre: 1 cuiller à soupe (15g)
  • Cardamone : 4 cuillers à café de graines, cassées au mortier (40g)
  • Clou de girofle : 14, cassés au mortier
  • Poivre long : 10 gousses au mortier
  • Galanga en poudre: 2 cuiller à soupe (30g)
  • Gingembre en poudre: 2 cuiller à soupe (30g)
  • Valériane, racines brisées (similaire au spic nard) : 2 cuiller à soupe (30g)

Pour un bon résultat : torréfier légèrement les épices (surtout la cardamome, le poivre long et la maniguette). Laisser bien macérer 7 à 15 jours, puis filtrer à l'étamine. (Attention, prenez un filtre qui ne laissera pas trop passer les poudres).

Seulement ensuite, sucrer avec +- 350 gr de Miel.


Et celle de Géry, qui me cite le Viandier de Taillevent* :

Dans cette version du Viandier, on ajoute de la Maniguette et du Garingal. La Maniguette est le nom actuel des Graines de Paradis, et le Garingal peut se trouver frais dans des épiceries asiatiques.

Dans ses boissons (et, attention, Géry est un maître, c'est lui qui a préparé les nectars de notre mariage !), Il recommande d'éviter la graine de Valériane, qui a un effet soporifique, et aussi de sucrer le mélange au début. Concernant le sucre, il l'ajoute aux épices séchées juste après leur torréfaction - c'est d'ailleurs plus un chauffage qu'une torréfaction.

Encore merci à vous deux !

Alors, Poiscaille, à tes fourneaux ! :)

Le Viandier est un livre de recettes français de la fin du Moyen Âge, associé au nom de Guillaume Tirel, dit Taillevent, cuisinier des rois de France Charles V et Charles VI, mais dont le plus ancien manuscrit connu, celui de Sion, daté de la première moitié du xive siècle, prouve qu'il lui est antérieur.Le Viandier est, avec le Mesnagier de Paris, un ouvrage de référence pour la cuisine médiévale française.

Pour aller plus loin :
- Le Wikipocras (français)

6 commentaires:

  1. hop, le miens est en infusion... j'ai hâte de gouter ma tambouille... merci pour tes conseils!!

    MD baba

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  2. l'hypocras c'est un peu comme le pastis dans le Sud, chacun a sa recette ^^
    mon mari en fait aussi, qu'on vend quand on fait des spectacles avec notre asso 15eme
    la robe de la mariée est tres belle ! je me suis mariée aussi en rouge (y a 10 ans)

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    1. Effectivement, c'est le genre de recette qui passe de bouche à oreille de nos jours. On a de la chance d'en avoir des écrits, mais chacun la modifie au gré de ses envies :-)
      (Se marier en rouge, c'est la classe, voilà :D )

      Merci pour ton commentaire Véro ! :-)

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  3. Venir sur ton blog sans raison et trouver cette recette que j'adoooooore... Voila un matin ou je te déteste...
    Reste ma copine hein !!

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    1. Hahaha ^^

      'Nous sommes de retour pour vous jouer un mauvais tour...' :-P

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