jeudi 29 novembre 2018

Transidentité, transgenre - Suite du voyage

Encore un billet que je vais avoir du mal à écrire. En même temps, j'y réfléchis depuis 2014, du coup la suite de mes idées est assez claire maintenant. J'ai beaucoup réfléchi au sujet de l'identité de genre, et j'ai fait beaucoup, beaucoup de chemin. En voici le (long) récit.

Tout à commencé avec l'écriture de mon billet sur le nettoyage en règle de la vulve, tu le sais. Ignorant tout de la transidentité, je l'avais écrit en ciblant les femmes, vu que dans ma tête seules elles avaient une vulve. Du coup, des personnes trans me sont tombé dessus, en colère, parce que ma vision était totalement cissexiste. A raison.

Prisonnière de mes idées reçues, je n'ai pas vu le mal, ai mal pris ces remarques, et les choses se sont envenimées en commentaire Ne les cherche pas, je les ai effacés dans un coup de colère et de honte

Je suis Borderline. Je suis quelqu'un qui a beaucoup de mal avec ses émotions et qui lutte tous les jours avec le regard des autres. Je doute, tout le temps. De moi-même surtout. En l’occurrence, suite à cette histoire c'était plutôt une chance, parce que, la colère (que je pensais juste et justifiée) passée, j'ai commencé à me renseigner au sujet de la transidentité, pour comprendre ce que ces gens me reprochaient.

Source : https://tinyurl.com/y927yq86

Les recherches

J'ai donc commencé à chercher des réponses à mes questions sur le sujet. J'ai participé à des discussions dans des groupes féministes sur Facebook, j'ai lu des blogs personnels, des articles, des livres. Je t'en mets les liens en fin d'article, comme toujours, si toi aussi tu veux creuser le sujet.

Ces lectures et interactions avec des personnes sensibilisées m'ont fait comprendre beaucoup de choses. Petit à petit, j'en suis venue à vouloir en parler avec des personnes concernées elles-mêmes. Heureusement pour moi, beaucoup sont sur Facebook, et certaines ont accepté de me parler, de m'instruire, de me conseiller ou de me donner des ressources fiables sur le sujet. Et un jour, une femme, E., m'a fait un cadeau inestimable : elle a accepté de me rencontrer. Nous discutions depuis quelques temps sur Internet, mais cela restait irréel... Et voir de visu des personnes que nous ne connaissons qu'à travers des messages, c'est toujours un danger potentiel, qui que nous soyons.
Quoi qu'il en soit, c'était le début d'une amitié toujours en cours.

E m'a accueillie dans son entourage et dans sa vie. Grâce à elle, j'ai rencontré d'autres personnes trans et/ou féministes. Etant toujours en déconstruction de mes visions cissexistes (et autres), je n'ai pas toujours été de bonne compagnie. J'ai eu (et aurai peut-être encore) des attitudes, des remarques, des blagues inappropriées. Elle et ses ami.e.s ont été patientes. Bienveillantes malgré tout. Jamais je ne les remercierai assez pour tout ce qu'ielles m'ont offert...

Le Cuisto et moi, décembre 2014, portant un toast en leur honneur.

Mais qu'est-ce que le genre ?

A force de me renseigner sur la transidentité, il a bien fallu me confronter à cette question. Pour certaines personnes, le genre est un construit social, pour d'autres il est inhérent à notre "nature" - et donc lié à notre appareil génital.
Perso, j'ai assez vite compris ceci : si une femme ayant une vulve qui, après des problèmes de santé se fait retirer les seins et tout son utérus, se sent toujours femme, c'est bien la preuve que le genre n'est pas lié au sexe.

Pour moi, pour faire court, le genre est un ressenti. Il est dans notre tête. Si une personne se revendique d'un certain genre, c'est qu'elle l'est. Et c'est tout. C'est terriblement simple. Peu importe ce qu'elle a entre les jambes ou son apparence physique.

Car oui, on peut se ressentir homme et avoir envie de porter des robes. Ou l'inverse. Et qu'est-ce que ça peut foutre, au final ? Est-ce vital d'empêcher les gens de s'habiller comme ielles le souhaitent ? Je ne le pense pas. Ça ne change rien à notre vie, de voir que certain.e.s cassent les codes et les stéréotypes. Au contraire, je suis persuadé que nous donner plus de liberté de ce point de vue est une bonne et belle chose. S'habiller comme on le souhaite sans se faire ennuyer à chaque coin de rue, c'est finalement ce que beaucoup de femmes féministes revendiquent pour elles-mêmes. Pourquoi ce serait bon pour elles mais pas pour d'autres, sérieux ?

Affiches créées par Paye ta schneck.
Source : https://www.facebook.com/payetashnekleblog/

Non binarité et métaphores

"Mais y'a des gens qui se disent ni homme, ni femme ! Pourquoi pas hélicoptère d'assaut tant qu'on y est ?!"

Alors, si tu es du genre Ha. ha. à faire des blagues du même tonneau, bravo, tu es transphobe :-) Parce que OUI, certaines personnes ne se ressentent ni homme, ni femme. Ou les deux. Ou aucun des deux. Le genre est une vaste carte, et tout le monde voyage dessus au gré de ses ressentis. Certains s'identifient avec un genre neutre, d'autres sans aucun genre, d'autres encore ont un genre tellement complexe qu'il faut utiliser des métaphores pour l'expliquer.

Lorsqu'on se renseigne sur le genre, on peut vite être perdu, tant les possibilités sont grandes. J'ai eu du mal à m'y retrouver au début, et surtout j'ai eu du mal à appréhender certains genres. Comment quelqu'un peut-il se sentir "lumière", ou "froid" ? Mais surtout, était-ce vraiment important pour moi de nier leur existence ? Non. Ma vie n'allait pas changer radicalement si je décidais de respecter ces ressentis, et de nommer et genrer les personnes que je côtoyais comme elles le voulaient. Ça s'appelle le respect, en somme. C'est bien, le respect. Y'a des gens qui devraient s'y essayer plus souvent, d'ailleurs. Mais bon, s't'un autre débat.

Et mon genre à moi, dans tout ça ?

J'en viens à la partie de mon voyage qui me touche personnellement. Avec toutes ces idées nouvelles pour moi, il m'a bien fallu réfléchir sur cette question : comment je ressentais mon genre ? Qu'est-ce qui faisait de moi une femme ?

Ces questions ont été un grand bouleversement. J'ai repensé à des choses que j'avais vécues, enfant. Ce moment où, en lisant un livre, un personnage féminin avait des réactions et des attitudes qui ne me correspondaient tellement pas que je me sentais "pas fille" en comparaison. Cette année où, en suivant des cours de langue, le prof nous avait demandé de prendre des noms typiquement anglais, et où j'avais choisi le prénom "Harry". Et ça m'avait plu au-delà de tout. Ces moments où, à l'école ou en famille, on me demandait "d'agir comme une fille", mais où ils et elles rejetaient ma féminité lorsque justement j'y attachais de l'importance. Ces moments où, sans vraiment en avoir conscience, je cassais les codes établis pour choquer (croyais-je) autour de moi.

Toutes ces expériences, ces moments où je me suis senti bien ou mal à l'aise face à mon genre me sont revenues en pleine face. Apprendre qu'il existait des genres en dehors de la binarité femme - homme a été pour moi une révélation. Je me suis rendu compte que j'avais un genre bien plus complexe que je ne le pensais.

"Moi, je suis la Suisse !"

A force de me questionner sur moi-même, je me suis rendu à l'évidence. Je me sentais... Neutre. Pile poil au milieu, entre femme et homme. Et à certains moment, je me sentais femme. Mon genre changeait, voyageait entre Femme et Neutre. J'étais Genderfluid.

Drapeau de la Fierté Genderfluid.


Cette idée a été un véritable changement pour moi. Enfin, je me sentais en paix avec moi-même. Enfin, j'avais quelque chose pour me raccrocher, j'avais des mots pour dire ce que j'avais confusément ressenti toute ma vie. Ça m'a fait un bien incroyable. La paix. Enfin.

J'ai évidemment parlé de tout cela avec des ami.e.s et mon Cuisto. Au départ, il n'a pas compris. Il n'arrivait pas à comprendre comment quelqu'un peut remettre son genre en cause, et surtout se sentir Neutre. Pour lui, c'était au mieux une blague, au pire une incompréhension totale. Moi, voyant ça, je me sentais évidemment très mal. J'étais enfin en paix, et lui, qui partageait ma vie depuis 9 ans, ne me soutenait plus. Ses attitudes désinvoltes face à tout cela m'ont beaucoup touchée, et pas en bien tu t'en doutes.

Heureusement pour moi, le Cuisto est quelqu'un qui aime apprendre, s'informer, et surtout il n'est pas buté. Voyant que mon genre avait beaucoup d'importance pour moi, il a commencé à s'informer lui aussi sur la transidentité. Petit à petit, il a changé, déconstruit ce qu'il pensait savoir. A ce moment, même si je n'avais pas sa compréhension, j'avais son respect. Et petit à petit, il a fini par comprendre et être supportif. Au moment d'écrire ces lignes, je le considère comme mon meilleur allié.

D'autres ami.e.s, par contre, n'ont eu aucun problème avec mon changement de genre. Pour elles et eux, j'étais moi, et le reste n'avait pas d'importance. Lorsque j'ai décidé de m'appeler Max, ma meilleure amie a tout de suite embrayé et respecté ce choix. J'étais aux anges, ça va sans dire.

Transition sociale

Tout au long de ces années, même si je remettais en cause mon genre en rejetant de plus en plus sa part féminine, je n'ai jusqu'à présent jamais eu envie de changer mon corps. Ma transition a été sociale plus qu'autre chose. Petit à petit, j'ai adopté un nouveau prénom, ainsi que de nouveaux pronoms. Je demandais à mon entourage de m'appeler par mon prénom choisi, et de mixer féminin et masculin lorsqu'il parlait de moi (par exemple "Max elle est beau", ou encore "mon belleau").

Grâce à elleux, j'ai pris confiance. J'ai fini par parler de ma transition à mes collègues et à mes connaissances en classe - qui ont toustes été d'une bienveillance admirable. J'ai fini par en parler à certaines personnes dans ma famille. Certain.e.s ne comprennent pas, mais ils et elles sont respectueux, alors ça me va. J'ai également participé à un documentaire sur la transidentité l'an passé, que tu peux regarder ici. Enfin, dernièrement, j'ai fini par faire les démarches administratives pour changer officiellement de prénom.


Genres Pluriels : Docu réalisé par Samuel Deschamps, avec : Aurore Castro, Igor, Sarah Max. ©IAD 2017

Un voyage sans fin ?

Actuellement, là tout de suite, mon genre est encore différent de ce que je raconte dans le docu Genres Pluriels. Je pense avoir fini par trouver un joli mot pour le définir.

Je suis Évolugenre.

Oui, mon genre a beaucoup évolué ces dernières années. Il a changé, voyagé, évolué au gré de mes réflexions et de mes ressentis. Je suis passé par Femme, Femme - Neutre, Neutre, Fluide, Agenre, Genre Doute...

Genre Doute ? Eh oui. Comme je le disais au début de ce billet, je suis Borderline. Cette condition d'esprit me pourrit souvent la vie, et surtout me fait douter de moi constamment. J'ai fini par me rendre compte que ces doutes sur mon genre, mon histoire, ma sensation constante d'être un imposteur "qui surfe sur la vague de la mode non-binaire" faisait également partie de mon genre ressenti. C'est peut-être à cause de ces doutes et de ces peurs qu'il évolue. Mais c'est ainsi. Je ne suis pas la seule à lier mon genre à ma condition mentale, d'ailleurs.

Trouver un mot, une étiquette pour nommer mon genre m'a enfin permis de mettre de l'ordre dans mes ressentis. Ce mot est simple, et évoque facilement les images de ce qu'il implique. Ça me simplifie les choses lorsque je parle de tout ça à des personnes bien, peu ou pas informées.

Un voyage tranquille

Au final, il est fort possible que mon genre change encore. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Je suis arrivé à un point d'ancrage, et c'est ce dont j'avais besoin. J'essaie de vivre tout ça avec calme, mais suis très anxieux à l'idée d'être confrontée à des personnes ne me trouvant "pas assez trans". Les débats sont encore houleux dans notre communauté, et c'est loin d'être fini. Mais c'est une autre histoire, qui nous concerne, et ce billet n'en est pas l'objet.

Je voulais partager mon chemin avec toi, Poiscaille, parce qu'il me tient à cœur. Je suis pas une femme. Je suis Max. Ça change énormément et pas du tout ce que et qui je suis. Tout ce que j'espère, c'est que ce chemin soit tranquille. Qu'il profite à d'autres qui, peut-être, se sentent coincés sans savoir pourquoi. Ou à celles et ceux qui n'ont jamais remis leur genre en question, et qui le vivent parfaitement bien.

La seule chose à retenir, à mon sens, est celle-ci. Nous sommes des personnes. Des êtres vivants. Et nous ne sommes pas fous ou malades. Qui que nous soyons, nous méritons le respect et la bienveillance. Utiliser un mot plutôt qu'un autre est à la portée de tout un chacun. L'incompréhension n'est pas incompatible avec le respect. 



Pour aller plus loin :
La vie en Queer (blog FR)
Assigned Male (BD EN)
Genres Pluriels ASBL (Site officiel FR)
L'Observatoire des Transidentités (Site officiel FR)
Princ(ess)e (Chaîne Youtube FR)
Alistair - H Paradoxæ (Chaîne Youtube FR)

6 commentaires:

  1. Je suis ravie Max , que tu te sentes mieux et plus à ta place ,c'est l'essentiel ! Le reste hein ben on s'en fout et pis c'est tout . Bonne continuation à toi sur ton chemin et continues de nous concocter de chouettes billets . Merci

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    1. Merci beaucoup pour ton commentaire et ton soutien, Brigitte, ça me touche énormément.

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  2. C'est super ce chemin parcouru !! Tu peux être super fier de toi en tout cas. S'accepter et se connaître réellement c'est tellement compliqué. On vit, on suit sa route sans trop chercher, en se calquant aux codes societaux. Il y a peu de personne finalement qui effectue ce chemin que tu as fais, faute de temps, de reflexion, d'envie, de besoin. Bref, félicitations en tout cas, je trouve ton parcours formidable.

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    1. Hello !

      Merci beaucoup pour ton commentaire, il me touche beaucoup !

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  3. Mille mercis de partager cela, et bravo pour ton courage.
    Je suis également admiratif devant l'ouverture d'esprit du Cuisto. Vous avez de la chance de vous être trouvés.

    Bonne route !

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