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jeudi 18 mars 2021

SuperStraight, SuperPlaie – Quand la transphobie s’affiche au calme

Bon. J’ai décidé de me fendre d’un article pour parler du groupe "Super Straight", vu que visiblement y'a des gens proches de mes sphères qui comprennent pas où est le problème et/ou sont intuitivement mal à l’aise mais peinent à mettre des mots sur leur ressenti.

Note aux personnes averties, je m’adresse ici à un public que j’estime mal/peu/pas informé sur la transidentité, donc y’a des trucs abordés qui seront ras des pâquerettes ou très simplifiés.

CW : transphobie, transmisogynie, sexisme, biphobie, bodyshaming, antisémitisme, mention de violences, de suicide, de sexe

Je vais essayer d'être exhaustif par rapport à ce que j'ai vu passer, mais y'a pas mal de matière et de trucs à aborder. Si tu comprends pas un truc Poiscaille, Google sera là pour t’aider. Et prends du thé, ça va être long.

La transidentité c’est quoi ?

Avant d'aborder le ""concept"" SuperStraight, il faut comprendre ce qu'est la transidentité, vite fait.

Contrairement aux personnes cisgenres, les personnes transgenres (attention, ‘transgenre’ est un adjectif, pas un nom !) considèrent être nées dans un mauvais corps, ou ont une identité de genre ne correspondant pas à celle qu’on leur a imposée à la naissance. Une personne transgenre a donc une identité de genre, comme le genre féminin par exemple (la personne se sent femme), qui ne correspond potentiellement pas à son sexe (un pénis au hasard). Cette personne trans n'est donc pas dans ce cas "un homme qui devient femme", mais "une personne qui se révèle être une femme".

Dans notre société, il n'y a que 2 genres (re)connus, à savoir homme/femme. Mais il existe plein de genres ressentis qui sortent de cette vision binaire. On appelle ces personnes trans non-binaires coucou, moi c’est Max. La transidentité est donc multiple et recueille en son sein pléthore de genres, qui ont été théorisés et classés par les personnes concernées.


Perso, j’ai un genre sortant fortement de la norme : je suis trans non-binaire fluide, mais si j’entre dans le détail je suis évolugenre, agenre, femme, genre-doute ou neutre selon les moments. Classy I know

La transition, ce passage obligatoire ?

Certaines personnes estiment que, si tu n’entames pas une transition médicale et/ou sociale, tu n’es pas trans. C’est bien gentil mais ce raisonnement est bancal (pour rester poli) et oppressif a tellement de niveaux que ça peut devenir indécent.

Parce que déjà, toutes les personnes trans ne peuvent pas subir des opérations chirurgicales. On peut ne pas en avoir envie, avoir des handicaps ou une situation médicale rendant cela impossible, on peut ne pas supporter les hormones, on peut être mineur-e, on peut être trop pauvre, avoir une santé mentale fragile, avoir un environnement toxique, etc. On peut aussi avoir un genre sortant de la norme binaire, et passer par la case opération ne fait aucun sens pour soi. Tu connais des opérations pour "devenir" genre-doute ? Moi pas.

A côté de ça, il y a la transition dite sociale (en gros, on touche pas au corps mais on change de prénom ou pronoms par exemple). Et des personnes trans n’ayant pas envie, ou ne pouvant pas le faire, ça existe aussi ! Parce que l’entourage est toxique, parce qu’on est mineur-e, parce qu’on a pas envie de se manger la transphobie, parce qu’on a peur de perdre des proches, des ami-es, un boulot, parce qu’on vit dans l’illégalité, parce qu’on est bien comme on est, etc. Peu importe les raisons, elles sont légitimes.

On a donc une tripotée de gens qui se baladent dans la nature et qui sont trans sans que ce soit évident visuellement. Tu en as déjà croisé dans ta vie Poiscaille, sans le savoir. Tout simplement parce que c’est pas noté sur notre front. Parce que y’a des personnes trans qui ont un cispassing parfait coucou bis. Dans tous les cas, pour savoir s’iels sont trans ou non à coup sûr, il faut… le leur demander. Parce que si tu te contentes de chercher ce qu’iels ont dans leur culotte, rien ne garantit d’avoir des surprises au bout du compte, parce que plot twist, le genre n'est ni sur nos fronts, ni ne dépend de nos organes génitaux.

Bien malin qui devinera son genre #ThisPersonDoesntExist
Si tu penses encore que tu peux repérer une personne trans à vue, sans demander leur genre ou ce qu’elles ont dans le slip (d’ailleurs si tu dragues des gens et le leur demande sache que tu es creepy), tu peux arrêter de lire hein, mais tu vas te manger encore beaucoup de « OK transphobe ». Je me trompe peut-être, mais il me semble qu’aucun humain ne peut lire les pensées pour deviner le genre de quelqu’un, ou possède des yeux pouvant voir à travers les vêtements.

Il devient donc évident que les SuperStraight ne sont pas à même de déterminer à vue de nez qui est trans ou non, et donc d’affirmer qu’iels ne sont pas attirés par ‘les trans’. Au contraire, cette sexualité ne repose sur rien de concret. Ça ne fait que révéler leur peur viscérale de caresser au dépourvu une bite, et donc trahit leurs biais transphobes essentialistes reposant sur l’idée qu’un pénis est d’office 'masculin' et une vulve d’office 'féminine', parce que la natur-Anh.

La sexualitay et le genre

Bah oui ce sont deux choses différentes. ‘Trans’ n’est pas une orientation sexuelle, mais une identité de genre. Tout comme Lesbienne, Gay ou Bi sont des sexualités, et pas des identités de genre ou des traits de personnalité. On peut donc être trans (genre) ET lesbienne (sexualité). Trans ET homo. Trans ET hétéro. Trans ET asexuel-le. Etc. Être Trans (genre) ET trans (sexualité), ça n’a dès lors aucun sens. Par corollaire, être X sexualité MAIS pas attiré-e par les personnes trans, c’est donc également absurde.

Le genre est enfin en grande partie une construction sociale, PAS un truc ayant des causes biologiques. C’est pas moi qui le dit mais des chercheureuses en sciences sérieuses oui oui, ainsi que les féministes. Donc, dire que tu es 'né-e SuperStraight', c’est faux. Dans la même veine, dire que « Si tu dis que t’es hétéro c’est homophobe » c’est toujours pas un argument pertinent. Parce que la sexualité aussi est construite, façonnée par notre société hétéronormée. C’est ce qu’on appelle l’hétéronormativité, la contrainte de l'hétérosexualité et la cisnormativité (et Google est toujours ton ami, j’ai la flemme).

La licorne du genre, outil mis au point par des personnes concernées
Et de toute manière, quand bien même notre sexualité viendrait de la biologie, d’une construction sociale ou les deux, si tu penses toujours que tu es incapable d’être attiré-e par des personnes trans, relis le passage sur la transition ou achète des lunettes bioniques, je sais pas ?

SuperStraight, qu’est-ce que le fuck ?

Le groupe SuperStraight a été lancé par un mec sur Tiktok, où il se plaignait qu’il en avait marre que des gens lui disent qu’il était transphobe parce que ne voulant pas relationner avec des personnes trans. La vidéo, supprimée depuis, a été récupérée et affichée un peu partout. De là, des gens ont emboité le pas du Tiktokeur, se disant SuperStraight également, et revendiquant cela comme une ‘nouvelle sexualité’.

Était-ce à l’origine une ‘blague’ pour ‘trigger les LGBT’ ? Était-ce un hasard que les couleurs du drapeau soient les mêmes que celles de pornhub ? En tout cas force est de constater que des gens s’en revendiquent dorénavant de manière sérieuse.

Entre les 'blagues', le "concept" séduit mine de rien
On ne sait pas si l’auteur en question avait des affinités avec l’extrême-droite, mais très (trop ?) vite, le SuperStraight a été récupéré avec joie par des gens ouvertement nazis. Les initiales du truc sont un problème en soi (SuperStraight = SS Noice bien ouèj), mais également les couleurs choisies pour leur drapeau sont potentiellement d’inspiration nazie. Dans l’absolu donc, que l’auteur aie ou non des affinités avec Hitler, le fait est que beaucoup de fachos exultent à l’idée de se reconnaître dans les ‘SS’.

En somme, libre à toi de continuer à te dire ‘SS mais pas facho’ (y’a des trucs ça s’invente pas j’te jure), mais tu risques de te manger des remarques de la part de personnes antiracistes en plus des personnes trans. Pour quelqu’un qui pleurait qu’il en avait marre qu’on le montre du doigt c’est.. cocasse.

Par la suite toutefois, des gens faisant partie de la communauté LGBTQIA+ ont applaudi l’émergence de ce truc, en mode "Moi chuis GAY et je soutiens les SuperStraight !!1". Evidemment, les SS en ont fait leur beurre : "T’as vu iel est LGBT et dit que j’ai trop raison !!1". D’autres ont été encore plus loin, en proposant l’existence de SuperGays, SuperBi-es et SuperLesbiennes.

Poiscaille. Soyons sérieuxses.

Être gay, lesbienne, bi, ou même trans, ne veut pas dire qu’on ne peut pas être transphobe, ou penser ou faire des trucs transphobes. Si c’était vraiment le cas, toutes les femmes seraient féministes et se revendiqueraient comme telles. Marguerite Stern et tout le mouvement TERF n’existerait pas. Frigide Bargeot n’aurait jamais été figure de proue de la Manif Pour Tous. Etc.

Le gars arrive à dénoncer la 'bigoterie' des gens dénonçant les SS, mais veut revenir aux 'bonnes valeurs' de notre ancien temps. On nage en pleine dissonance.
Enfin, il est à noter que beaucoup de gens se revendiquant SuperStraight sont des mecs, qui ont peur de sortir avec qqun qui a un pénis. C’est bien beau, mais les femmes trans ne sont pas les seules personnes trans qui existent.

Là, on tombe dans le ‘Trans Trap’, comme quoi les femmes trans ‘cacheraient’ qu’elles sont trans, que sortir avec qqun se disant femme et ayant un pénis est un mensonge, une omission, une honte. Que ces personnes, en fait, ne sont pas de vraies femmes. Bienvenue dans la transmisogynie teintée d’homophobie.

Bodyshaming, sexisme, l’attirance à l’apparence

Mais y’a d’autres choses qui se cachent derrière cette pensée. Le bodyshaming en est une. Car oui, si tu estimes que tu peux pas être attiré-e par une personne n’ayant pas suffisamment l’air d’une femme à tes yeux, peu importe qu’elle soit trans ou non, tu donnes le message suivant : Femme, tu DOIS ressembler à ÇA.

On a vu des femmes cis sportives de haut niveau insultées parce qu’elles ne ressemblaient pas à des ‘femmes normales’. Il est commun de se foutre de la balle des femmes au look dit camionneuse. En gros, les femmes (et les hommes) sortant des canons de beauté vendus partout ne sont pas ‘baisables’, pas des 'vraies', peu importe ce qu’elles ont dans le slip. Paye ton romantisme.

Et que dire encore des femmes cis qui n’ont pas/plus d’utérus ou de seins, suite à un cancer ou un gène particulier, par exemple ? Parce qu’on en est à ce niveau de réflexion hein. Etant donné que les SS se targuent de reconnaître une personne trans rien qu’à la voir, il est raisonnable de se poser la question.

Alors, certes, tout le monde a des préférences, est attiré par tel ou tel physique. Mais on parle d’habitude du physique dans son entièreté. Assumer une sexualité basée sur une préférence est au mieux fétichiste, au pire discriminant. Les gens tripant sur des pieds pourraient alors se dire Piedsexuel-les, ce qui est niais autant qu'illusoire.

On le voit en prenant des exemples similaires, bâtir une sexualité sur la présence ou l’absence de certains organes génitaux est étrange, voire abscons, parce que cela veut dire que, tant que tu les a pas vus, tu n’es du coup attiré-e par… personne.

Sans compter que, je le répète, être trans c’est souvent invisible. Je sais, je me répète mais c’est important de le comprendre : toutes les personnes trans ne peuvent ou ne veulent pas entamer une transition tangible. Se focaliser sur celleux d’entre nous qui ont un pénis, c’est donc transphobe par essence, mais surtout transmisogyne et homophobe, parce que ça vise ouvertement les femmes trans.

Etiquettes et politique

Note : la suite de l’article est dédiée à celleux qui se revendiquent SuperStraight. Parce que ça m’énerve et que j’ai décidé d’arrêter de m’obliger à écrire de manière pédago et sympa.

Un compte SuperStraight sur Twitter, faisant de la propagande transphobe
On en arrive donc à la portée politique du truc. Parce que oui, les SS revendiquent de faire partie de la communauté LGBTQIA+, reprennent les codes et motos de nos communautés et affirment que les personnes trans ne sont plus opprimées - contrairement aux SuperStraight. Si tu te revendiques SS, viens pas me faire croire que tu ne penses pas tout ça hein ; quand on s’inscrit dans un groupe comme celui-là on accepte un minimum la pensée politique qu’il y a derrière, surtout quand elle est affichée de manière aussi visible et ostentatoire. Ou bien on s’en revendique pas. Assume.

Pour comprendre à quel point cette récupération est ignoble, il faut comprendre pourquoi les personnes LGBTQIA+ militent, et contre quoi les personnes trans en particulier se battent.

Être trans en Belgique (dans les 10 pays classés comme les plus sûrs au monde pour les personnes trans) en 2021 c’est :

  • Pouvoir changer officiellement de prénom et/ou de sexe sur ses papiers d’identité « facilement » depuis 2007 seulement 
  • Ne plus devoir prouver sa stérilité pour changer ses papiers d’identité depuis 2017 seulement
  • Si tu es mineur-e et veut changer de sexe actuellement, tu dois avoir 16 ans et obtenir l’attestation d’un pédopsychiatre, avec l’accord de tes parents ou représentant-es légaux (et si t’en as pas fuck you)
  • Décider de rester au placard et en souffrir probablement, ou te révéler et te manger la transphobie ambiante h24
  • Risquer d’être discriminé à l’école ou au boulot, voire d’être viré à cause de ta transidentité
  • Risquer de te faire mettre à la porte de chez toi, ou de te voir refuser une location à cause de ta transidentité
  • Risquer de perdre des ami-es ou de la famille à cause de ta transidentité
  • Risquer de te voir refuser la garde de tes propres enfants par l’autre parent et/ou par la justice à cause de ta transidentité
  • Risquer de vivre à la rue, parfois avant 18 ans, à cause de ta transidentité
  • Risquer de devoir te lancer dans une prostitution forcée parce que t’as pas de quoi bouffer à cause de ta transidentité
  • Voir qu’être LGBTQIA+, c’est PIRE ailleurs

Mais il y a aussi la dysphorie de genre, se manger les 'blagues', les discriminations diverses comme un accès difficile aux toilettes ou aux vestiaires, la méfiance, les moqueries, le refus de t’appeler par le bon prénom, le refus d’utiliser tes pronoms choisis, les accusations de folie ou de perversité sexuelle, le harcèlement, la solitude, la dépression, les internements forcés en HP, la précarité, le suicide, les passages à tabac, les viols… quand ce n’est pas simplement être en danger de mort, parce que des connards pensent qu’ils ont le droit de nous buter. Liste loin d’être exhaustive.

Et toi, toi le petit cis SuperStraight, avec un super devant histoire de montrer que t’es supérieur, qui n’as jamais dû t’interroger sur ton genre, jamais dû te sentir inconfortable face à des actes ou paroles discriminants par rapport à ton genre, jamais voulu changer de prénom ou de sexe sur tes papiers d'identité, jamais rien perdu simplement parce que tu veux être toi-même, TOI, tu veux 'faire partie de la commu' ??

Mais tu crois que c’est quoi, la Pride, un foutu cortège de Carnaval ? De jolis drapeaux dans le vent, un amour immodéré pour les paillettes et les licornes, et du cul avec n’importe qui ?

Parce que nous, de notre côté, on affiche qui on est pour être reconnu-es comme des êtres humains, pour avoir des droits comme les tiens, pour ne plus avoir peur en rue, pour pouvoir vivre plutôt que survivre. Et c’est pareil pour toutes les lettres hein, les Gays, Bi-es, Lesbiennes, personnes Trans, Queer, Intersexuées, Aromantiques et Asexuelles ; si on dit qu’il s’agit de minorités opprimées c’est pas juste pour faire pleurer dans les chaumières ou te faire complexer de pas en faire partie.

Les Bi-es acceptaient les personnes trans dans leurs cercles, s'en foutaient du genre des gens et théorisaient sur le sujet déjà en 1970. Faut vraiment en avoir rien à foutre de l'histoire LGBTQIA+ pour sortir cette merde transphobe et biphobe.

Je connais des gens qui ont eu et ont encore des vies de misère, simplement pour qui elles sont, et qui ont tout de même courageusement entamé une transition vitale alors qu’elles savaient qu’elles allaient en chier encore plus ; d’autres en sont mortes, parfois sous les coups et le harcèlement de leurs proches, mais c’est NOUS les Snow flakes fragiles ??

Alors que toi, toi qui n’as jamais perdu un boulot, un toit, tes enfants, risqué des coups à cause de ton genre, tu chouines sur 10 commentaires avec morgue et mépris parce qu’on a un jour choppé ta veste et souligné ton indécence ?? Pire encore, tu ris quand on partage notre douleur et notre angoisse ?? Tu ne fais et dis RIEN lorsque ces moqueries se passent sous tes yeux, en public ?? Et tu OSES te prétendre un allié bienveillant ???

Alors tu m’excuseras (ou pas, j’en ai un peu rien à foutre en fait à ce stade, parce que niveau ordure c'est trop high level), mais s’il suffit de te dire que tu penses des trucs transphobes pour t’écorcher l’égo, si la lecture seule de ce billet te fout en boule, si tu ne vois pas la différence entre l'humour et la moquerie alors que tu parles des gens comme moi comme des pétard de chaises ou d'hélicoptères (genre non vraiment c'est tellement drôle c'est la 20ème fois seulement aujourd'hui), s’il en faut si peu pour t’ébranler que tu te réfugies dans la cruauté la plus odieuse, va falloir penser à t’enfermer chez toi et à y rester sans Internet. Parce que la vie ne fait de cadeau à personne, mais elle en fait encore moins aux personnes subissant une réelle oppression.

Cisphobie, transphobie, pas le même combat

Les personnes cis et trans ne jouent pas dans la même cour. Nos droits ne sont pas les mêmes. Ni dans nos lois, ni dans la tête des gens. On est pas égaux. Tu peux décider d’occulter ce fait et prendre ta place parmi nos tortionnaires, ou de l’accepter et de nous soutenir avec respect. Avoir des privilèges, c’est pas une tare de naissance. Ce qui importe, c’est ce que tu en fais. Te revendiquer SS et clamer ta bienveillance envers nous, c’est du foutage de gueule agrémenté d’auto-flatterie égoïste, veule et ignorante.

La cisphobie et l’hétérophobie sont les arguments des gens ne voulant pas voir la réalité de nos vécus, de notre oppression, de nos souffrances, de nos morts. Quand on se sent comme une merde, de fait c’est pas facile de s’entendre dire qu’on a la vie plus légère que d’autres. Mais par lâcheté devant l’échec de voir bien en face leurs médiocres avantages, les gens transphobes décident de nous rabaisser plus encore en invisibilisant et renforçant notre position subalterne au sein de notre société, afin de mettre en avant sans honte leur 'détresse' à l’idée de jouer à touche-pipi à l’aveuglette dans la cour des grands.

L’hétérophobie n’existe pas, au même titre que la cisphobie n’existe pas, tout simplement parce qu’il n’y a aucune oppression visant les gens cishet. La société a été bâtie par les cishet, pour les cishet, dans leurs intérêts. Les personnes cis hétéro ne seront jamais, JAMAIS, discriminées, stérilisées, torturées, battues, assassinées de manière systémique parce que cis hétéro.

Propos classiques d'un mec n'ayant jamais été discriminé pour son sexe ou son genre, mais qui se croit très pertinent.

Les cishet n’ont pas besoin de justifier leur existence, parce qu’elle est considérée comme normale.

Iels n’ont pas besoin d’'afficher leur sexualité', avec ou sans pudeur, parce qu’elle est considérée comme allant de soi.

Iels n’ont pas besoin d’être 'reconnu-es dans leur sexualité', parce qu’elle n’est jamais invisible ou invalidée.

Iels n’ont jamais lu ou entendu que leur genre ou leur sexualité est un phénomène de mode, une passade, un truc inintéressant.

Iels n’ont jamais été confrontés à des gens qui les prennent de haut en parlant des 'élus LGBT', mots indignes puant l’antisémitisme et dénaturés pour taper sur les personnes trans, alors que nous savons, NOUS, que c’est l’inverse.

Personne d’entre nous ne s’est dit un jour « Oh tiens si j’étais trans histoire de me sentir intouchable, ou pour que les gens me tapent dessus gratuitement ? ».

Non, on se demande plutôt « Est-ce bien raisonnable de sortir de mon placard vu les tombereaux de merde qui m’attendent ? ».

On est trans, pas maso ou sacro-saint, merci bien !

Placard un jour, penderie toujours

Car oui, le SuperStraight mouve, c’est aussi faire comprendre aux personnes trans que leur place est au placard. Afficher cette merde, c’est faire passer le message qu’elles ne sont pas les bienvenues à ton contact (elles pourraient te draguer si elles sont gays, bi-es ou hétéro t’imagines ? Mais ton pote cis homo, lui y’a pas de souci lulz cherche l'erreur).

Revendiquer l’identité ‘SS mais pas facho’, c’est blesser autour de toi des personnes à ton insu, et qui savent qu’elles ne pourront jamais se confier à toi sur ce sujet intime de manière sereine. Ce faisant, tu les condamnes à la solitude, tu les forces à rester incognito. Par cet acte, tu réitères une rengaine qu’on a toustes entendues : n’existez pas, vous êtes malades, je veux pas vous voir, je crains de faire du sexe avec vous.

Mais c’est aussi renforcer leurs craintes à elles et leur vulnérabilité. Car des gens qui tuent quelqu’un d’autre à cause de leur genre et/ou de leur sexualité, pour nous c’est une peur réelle, pas un fantasme. Mises en danger, elles ne viendront pas vers toi pour demander de l’aide, au contraire. Parce qu'il sera évident pour elles que tu n’es pas quelqu’un de bienveillant et de respectueux, droit dans tes bottes et empreint de décence à leur égard, quelle que soit la situation.

Y’a pas de manière 'gentille' de dire que tu veux pas relationner avec des personnes trans. Parce que derrière le sourire et le miel que tu mettras dans tes paroles, on sentira toujours le relent nauséabond d’une transphobie mal comprise et mal assumée.

Si tu persistes à penser après tout ça que le summum de l’horreur est de lécher la pomme d’une personne pourvue d’une bite sans que tu le saches, si tu penses que tes 2 potes opérés sont suffisants pour pouvoir décider de ce qui est transphobe ou non, si t’es pas LGBTQIA+ mais que tu estimes avoir un avis pertinent re lulz, si tu penses que le SuperStraight mouve reste une bonne idée mais qu’il faut 'polir les angles' pour le défaire de ses casseroles survenues après même pas une semaine d’existence, grand bien te fasse. Juste tu es transphobe, va falloir dealer avec ça.

Et comme l’a dit quelqu’un de sensé : tu peux être con dans ta tête, pas de problème. Mais tu n'es pas obligé de l’afficher en mode gommette de maternelle.



Pour aller plus loin

La notion de victime dans un contexte d’oppression systémique

Être une personne transgenre en Belgique : Dix ans plus tard. Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. 2017.

TRANS LEGALMAPPING REPORTilga.orgRecognition before the law. 2019.

Allié·e·s cis vs transphobes : quand et comment intervenir ?

Respecter les personnes trans

jeudi 29 novembre 2018

Transidentité, transgenre - Suite du voyage

Encore un billet que je vais avoir du mal à écrire. En même temps, j'y réfléchis depuis 2014, du coup la suite de mes idées est assez claire maintenant. J'ai beaucoup réfléchi au sujet de l'identité de genre, et j'ai fait beaucoup, beaucoup de chemin. En voici le (long) récit.

Tout à commencé avec l'écriture de mon billet sur le nettoyage en règle de la vulve, tu le sais. Ignorant tout de la transidentité, je l'avais écrit en ciblant les femmes, vu que dans ma tête seules elles avaient une vulve. Du coup, des personnes trans me sont tombé dessus, en colère, parce que ma vision était totalement cissexiste. A raison.

Prisonnière de mes idées reçues, je n'ai pas vu le mal, ai mal pris ces remarques, et les choses se sont envenimées en commentaire Ne les cherche pas, je les ai effacés dans un coup de colère et de honte

Je suis Borderline. Je suis quelqu'un qui a beaucoup de mal avec ses émotions et qui lutte tous les jours avec le regard des autres. Je doute, tout le temps. De moi-même surtout. En l’occurrence, suite à cette histoire c'était plutôt une chance, parce que, la colère (que je pensais juste et justifiée) passée, j'ai commencé à me renseigner au sujet de la transidentité, pour comprendre ce que ces gens me reprochaient.

Source : https://tinyurl.com/y927yq86

Les recherches

J'ai donc commencé à chercher des réponses à mes questions sur le sujet. J'ai participé à des discussions dans des groupes féministes sur Facebook, j'ai lu des blogs personnels, des articles, des livres. Je t'en mets les liens en fin d'article, comme toujours, si toi aussi tu veux creuser le sujet.

Ces lectures et interactions avec des personnes sensibilisées m'ont fait comprendre beaucoup de choses. Petit à petit, j'en suis venue à vouloir en parler avec des personnes concernées elles-mêmes. Heureusement pour moi, beaucoup sont sur Facebook, et certaines ont accepté de me parler, de m'instruire, de me conseiller ou de me donner des ressources fiables sur le sujet. Et un jour, une femme, E., m'a fait un cadeau inestimable : elle a accepté de me rencontrer. Nous discutions depuis quelques temps sur Internet, mais cela restait irréel... Et voir de visu des personnes que nous ne connaissons qu'à travers des messages, c'est toujours un danger potentiel, qui que nous soyons.
Quoi qu'il en soit, c'était le début d'une amitié toujours en cours.

E m'a accueillie dans son entourage et dans sa vie. Grâce à elle, j'ai rencontré d'autres personnes trans et/ou féministes. Etant toujours en déconstruction de mes visions cissexistes (et autres), je n'ai pas toujours été de bonne compagnie. J'ai eu (et aurai peut-être encore) des attitudes, des remarques, des blagues inappropriées. Elle et ses ami.e.s ont été patientes. Bienveillantes malgré tout. Jamais je ne les remercierai assez pour tout ce qu'ielles m'ont offert...

Le Cuisto et moi, décembre 2014, portant un toast en leur honneur.

Mais qu'est-ce que le genre ?

A force de me renseigner sur la transidentité, il a bien fallu me confronter à cette question. Pour certaines personnes, le genre est un construit social, pour d'autres il est inhérent à notre "nature" - et donc lié à notre appareil génital.
Perso, j'ai assez vite compris ceci : si une femme ayant une vulve qui, après des problèmes de santé se fait retirer les seins et tout son utérus, se sent toujours femme, c'est bien la preuve que le genre n'est pas lié au sexe.

Pour moi, pour faire court, le genre est un ressenti. Il est dans notre tête. Si une personne se revendique d'un certain genre, c'est qu'elle l'est. Et c'est tout. C'est terriblement simple. Peu importe ce qu'elle a entre les jambes ou son apparence physique.

Car oui, on peut se ressentir homme et avoir envie de porter des robes. Ou l'inverse. Et qu'est-ce que ça peut foutre, au final ? Est-ce vital d'empêcher les gens de s'habiller comme ielles le souhaitent ? Je ne le pense pas. Ça ne change rien à notre vie, de voir que certain.e.s cassent les codes et les stéréotypes. Au contraire, je suis persuadé que nous donner plus de liberté de ce point de vue est une bonne et belle chose. S'habiller comme on le souhaite sans se faire ennuyer à chaque coin de rue, c'est finalement ce que beaucoup de femmes féministes revendiquent pour elles-mêmes. Pourquoi ce serait bon pour elles mais pas pour d'autres, sérieux ?

Affiches créées par Paye ta schneck.
Source : https://www.facebook.com/payetashnekleblog/

Non binarité et métaphores

"Mais y'a des gens qui se disent ni homme, ni femme ! Pourquoi pas hélicoptère d'assaut tant qu'on y est ?!"

Alors, si tu es du genre Ha. ha. à faire des blagues du même tonneau, bravo, tu es transphobe :-) Parce que OUI, certaines personnes ne se ressentent ni homme, ni femme. Ou les deux. Ou aucun des deux. Le genre est une vaste carte, et tout le monde voyage dessus au gré de ses ressentis. Certains s'identifient avec un genre neutre, d'autres sans aucun genre, d'autres encore ont un genre tellement complexe qu'il faut utiliser des métaphores pour l'expliquer.

Lorsqu'on se renseigne sur le genre, on peut vite être perdu, tant les possibilités sont grandes. J'ai eu du mal à m'y retrouver au début, et surtout j'ai eu du mal à appréhender certains genres. Comment quelqu'un peut-il se sentir "lumière", ou "froid" ? Mais surtout, était-ce vraiment important pour moi de nier leur existence ? Non. Ma vie n'allait pas changer radicalement si je décidais de respecter ces ressentis, et de nommer et genrer les personnes que je côtoyais comme elles le voulaient. Ça s'appelle le respect, en somme. C'est bien, le respect. Y'a des gens qui devraient s'y essayer plus souvent, d'ailleurs. Mais bon, s't'un autre débat.

Et mon genre à moi, dans tout ça ?

J'en viens à la partie de mon voyage qui me touche personnellement. Avec toutes ces idées nouvelles pour moi, il m'a bien fallu réfléchir sur cette question : comment je ressentais mon genre ? Qu'est-ce qui faisait de moi une femme ?

Ces questions ont été un grand bouleversement. J'ai repensé à des choses que j'avais vécues, enfant. Ce moment où, en lisant un livre, un personnage féminin avait des réactions et des attitudes qui ne me correspondaient tellement pas que je me sentais "pas fille" en comparaison. Cette année où, en suivant des cours de langue, le prof nous avait demandé de prendre des noms typiquement anglais, et où j'avais choisi le prénom "Harry". Et ça m'avait plu au-delà de tout. Ces moments où, à l'école ou en famille, on me demandait "d'agir comme une fille", mais où ils et elles rejetaient ma féminité lorsque justement j'y attachais de l'importance. Ces moments où, sans vraiment en avoir conscience, je cassais les codes établis pour choquer (croyais-je) autour de moi.

Toutes ces expériences, ces moments où je me suis senti bien ou mal à l'aise face à mon genre me sont revenues en pleine face. Apprendre qu'il existait des genres en dehors de la binarité femme - homme a été pour moi une révélation. Je me suis rendu compte que j'avais un genre bien plus complexe que je ne le pensais.

"Moi, je suis la Suisse !"

A force de me questionner sur moi-même, je me suis rendu à l'évidence. Je me sentais... Neutre. Pile poil au milieu, entre femme et homme. Et à certains moment, je me sentais femme. Mon genre changeait, voyageait entre Femme et Neutre. J'étais Genderfluid.

Drapeau de la Fierté Genderfluid.


Cette idée a été un véritable changement pour moi. Enfin, je me sentais en paix avec moi-même. Enfin, j'avais quelque chose pour me raccrocher, j'avais des mots pour dire ce que j'avais confusément ressenti toute ma vie. Ça m'a fait un bien incroyable. La paix. Enfin.

J'ai évidemment parlé de tout cela avec des ami.e.s et mon Cuisto. Au départ, il n'a pas compris. Il n'arrivait pas à comprendre comment quelqu'un peut remettre son genre en cause, et surtout se sentir Neutre. Pour lui, c'était au mieux une blague, au pire une incompréhension totale. Moi, voyant ça, je me sentais évidemment très mal. J'étais enfin en paix, et lui, qui partageait ma vie depuis 9 ans, ne me soutenait plus. Ses attitudes désinvoltes face à tout cela m'ont beaucoup touchée, et pas en bien tu t'en doutes.

Heureusement pour moi, le Cuisto est quelqu'un qui aime apprendre, s'informer, et surtout il n'est pas buté. Voyant que mon genre avait beaucoup d'importance pour moi, il a commencé à s'informer lui aussi sur la transidentité. Petit à petit, il a changé, déconstruit ce qu'il pensait savoir. A ce moment, même si je n'avais pas sa compréhension, j'avais son respect. Et petit à petit, il a fini par comprendre et être supportif. Au moment d'écrire ces lignes, je le considère comme mon meilleur allié.

D'autres ami.e.s, par contre, n'ont eu aucun problème avec mon changement de genre. Pour elles et eux, j'étais moi, et le reste n'avait pas d'importance. Lorsque j'ai décidé de m'appeler Max, ma meilleure amie a tout de suite embrayé et respecté ce choix. J'étais aux anges, ça va sans dire.

Transition sociale

Tout au long de ces années, même si je remettais en cause mon genre en rejetant de plus en plus sa part féminine, je n'ai jusqu'à présent jamais eu envie de changer mon corps. Ma transition a été sociale plus qu'autre chose. Petit à petit, j'ai adopté un nouveau prénom, ainsi que de nouveaux pronoms. Je demandais à mon entourage de m'appeler par mon prénom choisi, et de mixer féminin et masculin lorsqu'il parlait de moi (par exemple "Max elle est beau", ou encore "mon belleau").

Grâce à elleux, j'ai pris confiance. J'ai fini par parler de ma transition à mes collègues et à mes connaissances en classe - qui ont toustes été d'une bienveillance admirable. J'ai fini par en parler à certaines personnes dans ma famille. Certain.e.s ne comprennent pas, mais ils et elles sont respectueux, alors ça me va. J'ai également participé à un documentaire sur la transidentité l'an passé, que tu peux regarder ici. Enfin, dernièrement, j'ai fini par faire les démarches administratives pour changer officiellement de prénom.


Genres Pluriels : Docu réalisé par Samuel Deschamps, avec : Aurore Castro, Igor, Sarah Max. ©IAD 2017

Un voyage sans fin ?

Actuellement, là tout de suite, mon genre est encore différent de ce que je raconte dans le docu Genres Pluriels. Je pense avoir fini par trouver un joli mot pour le définir.

Je suis Évolugenre.

Oui, mon genre a beaucoup évolué ces dernières années. Il a changé, voyagé, évolué au gré de mes réflexions et de mes ressentis. Je suis passé par Femme, Femme - Neutre, Neutre, Fluide, Agenre, Genre Doute...

Genre Doute ? Eh oui. Comme je le disais au début de ce billet, je suis Borderline. Cette condition d'esprit me pourrit souvent la vie, et surtout me fait douter de moi constamment. J'ai fini par me rendre compte que ces doutes sur mon genre, mon histoire, ma sensation constante d'être un imposteur "qui surfe sur la vague de la mode non-binaire" faisait également partie de mon genre ressenti. C'est peut-être à cause de ces doutes et de ces peurs qu'il évolue. Mais c'est ainsi. Je ne suis pas la seule à lier mon genre à ma condition mentale, d'ailleurs.

Trouver un mot, une étiquette pour nommer mon genre m'a enfin permis de mettre de l'ordre dans mes ressentis. Ce mot est simple, et évoque facilement les images de ce qu'il implique. Ça me simplifie les choses lorsque je parle de tout ça à des personnes bien, peu ou pas informées.

Un voyage tranquille

Au final, il est fort possible que mon genre change encore. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Je suis arrivé à un point d'ancrage, et c'est ce dont j'avais besoin. J'essaie de vivre tout ça avec calme, mais suis très anxieux à l'idée d'être confrontée à des personnes ne me trouvant "pas assez trans". Les débats sont encore houleux dans notre communauté, et c'est loin d'être fini. Mais c'est une autre histoire, qui nous concerne, et ce billet n'en est pas l'objet.

Je voulais partager mon chemin avec toi, Poiscaille, parce qu'il me tient à cœur. Je suis pas une femme. Je suis Max. Ça change énormément et pas du tout ce que et qui je suis. Tout ce que j'espère, c'est que ce chemin soit tranquille. Qu'il profite à d'autres qui, peut-être, se sentent coincés sans savoir pourquoi. Ou à celles et ceux qui n'ont jamais remis leur genre en question, et qui le vivent parfaitement bien.

La seule chose à retenir, à mon sens, est celle-ci. Nous sommes des personnes. Des êtres vivants. Et nous ne sommes pas fous ou malades. Qui que nous soyons, nous méritons le respect et la bienveillance. Utiliser un mot plutôt qu'un autre est à la portée de tout un chacun. L'incompréhension n'est pas incompatible avec le respect. 



Pour aller plus loin :
La vie en Queer (blog FR)
Assigned Male (BD EN)
Genres Pluriels ASBL (Site officiel FR)
L'Observatoire des Transidentités (Site officiel FR)
Princ(ess)e (Chaîne Youtube FR)
Alistair - H Paradoxæ (Chaîne Youtube FR)

mercredi 28 novembre 2018

Savon intime pour "petite fille" - Mais qu'est-ce que c'est que cette merde ?!

Salut Poiscaille, j'espère que tu vas bien !

Ici c'est la routine, la flemme, le manque de temps aussi. Cela dit, même si j'arrive après la tempête, j'ai décidé de me fendre d'un article concernant les savons intimes "spécial petite fille" qui ont commencé à surgir. Si tu as déjà lu mon précédent article sur le nettoyage de la vulve, tu sauras que je suis pas pour le savon à cet endroit. Alors s'il s'agit de petites filles âgées de 2 ans comme disent les pubs, comment dire... ?
Mais reprenons depuis le début.

La vulve est un endroit très sensible, on le sait. Son équilibre peut être déstabilisé par un rien. Et lorsqu'on sait que la flore intime de la vulve des enfants n'est pas complètement formée, ça donne envie de les protéger de ces problèmes, évidemment.

En effet, durant l'enfance, la vulve est composée de petites lèvres et de grandes lèvres encore en croissance. Parfois, celles-ci ne protègent pas complètement la vulve et l'entrée du vagin des agressions extérieures. Pour ne rien arranger à la paranoïa, beaucoup de sources indiquent, par exemple, que "les vulvo-vaginites sont les infections gynécologiques les plus courantes chez 83 % des petites filles âgées entre 1 et 8 ans". La même source affirme que pour soigner le problème, un lavage à l'eau et au savon ne suffit pas, et qu'il est indispensable d'utiliser un produit adapté aux muqueuses des enfants.

J'ai trouvé pléthore de sources s'appuyant sur les mêmes constats et conseils que vous trouverez en fin d'article comme toujours. Mais est-ce vraiment indispensable ? Il est temps de couper dans le vif du sujet et de faire un tour de la question.
C'est parti mon kiki !




Internet te ment

Se laver, ça s'apprend, c'est certain. Mais encore faut-il trouver, connaître et enseigner de bonnes pratiques. Et de ce point de vue, il y a beaucoup (trop) de conseils et clichés trompeur sur l'hygiène de la vulve. Tout le monde s'en donne à cœur joie sur le sujet, que ce soient des personnes bien intentionnées genre comme moi quoi ou des marquetteux voulant revendre leur came. Il suffit de se pencher sur le site questions-intimes.fr pour avoir un aperçu des dégâts.

Questions-intimes a l'air d'un site d'information de base sur l'hygiène de la vulve. Il se propose d'aider les ceusses désireux-ses de s'informer sur le sujet : "Trouvez toutes les réponses à vos petits problèmes intimes" et répond de manière innocente non aux questions les plus fréquentes du tout venant. Hygiène de base, sécheresse intime, mauvaises odeurs, mycoses, et surtout comment remédier à ces problèmes sont autant de sujets abordés, avec de jolis dessins pour faire plus blog beauté random.


Tu vois le piège ? Source : https://www.questions-intimes.fr/conseils-dexpert/


Mais il n'échappera pas à l’œil averti que ce site n'est qu'une vitrine vantant les mérites des produits Hydralin, qui sont tous teeeellement bien avec que des avantages ! Y'a qu'à regarder la page consacrée au produit "spécial fillette" qui roxxe du poulet. Le site nous promet "Une texture mousse unique, douce et facile à rincer pour un meilleur respect de la zone intime de votre petite fille, un flacon pompe facile à utiliser, lextrait de lotus reconnu pour ses propriétés adoucissantes, un pH physiologique adapté à la toilette intime quotidienne. Dès 2 ans." Par contre, pour connaître le pH exact du produit, tu peux te brosser, évidemment.

Autre site, autres conseils, le Ligueur s'est fendu d'un article complet sur le sujet. Qu'en est-il chez lui ? Pas que du bon, visiblement. Entre deux listes de bons conseils, il préconise certains produits d'hygiène intime et l'utilisation quotidienne de lingettes en s'improvisant médecin. Classe.


Source : https://www.laligue.be/leligueur/articles/hygiene-intime-des-filles-attention-fragile-!#

Conclusion : les informations fiables et surtout désintéressées sont difficiles à trouver, et il est indispensable de trier le vrai du faux. C'est d'autant plus urgent au vu du marché de l'hygiène intime, qui cible de manière plus qu'insistante les enfants. Mais alors, me demanderas-tu, quelle est la marche à suivre ? Suis le guide, Poiscaille, on entre dans le vif du sujet.

Souci médical et mise en garde

Mais avant ça, il est de mon devoir d'insister sur un point important. Je ne suis pas médecin, ni gynécologue. Je suis juste une personne lambda qui trifouille Internet dans son salon. Les conseils que je donne, ce que j'écris dans ce billet, ne prend absolument pas en compte les diverses infections qu'on peut chopper, ni la manière de les soigner. Tout ce que je peux faire, c'est relayer la parole de personnes qui m'ont l'air qualifiées.

Il n'est pas de mon ressort de prodiguer des conseils médicaux, ici ou en commentaire. Seul un.e professionnel.le de la santé est apte à faire cela. Si tu as un souci, Poiscaille, j'ai juste un mot à te dire : consulte. En live, en prenant rendez-vous chez un.e gynéco en qui tu as confiance. Fais-toi un avis complet en consultant des pros différent.e.s si tu en ressens le besoin. Et évite doctissimo and co, tu vas juste chopper une paranoïa en plus de ta mycose.
Okay ?

Okay.

Alors passons à la suite.

Alors, comment bien laver une vulve (ou un pénis) au quotidien ?

Que que soit l'âge de la personne, un filet d'eau tiède et une main propre suffisent. On écarte délicatement les grandes lèvres et on frotte doucement du haut vers le bas, sans forcer. Ensuite on écarte les petites lèvres, et rebelote, on frotte de haut en bas jusqu'à l'entrée du vagin, sans y faire rentrer quoi que ce soit.
Pour le pénis, on décalotte doucement le gland, et on frotte autour avec une main propre, toujours sous un filet d'eau tiède.
Et c'est tout.



Un savon peut être utilisé dans la zone des partie génitales, comme l'aine. Pour le choisir, rien de plus simple : on prend un savon doux, sans parfum, adapté aux peaux sensibles.

Exit donc :

  • les savons dits "d'hygiène intime", ou tout autre savon
  • les lingettes, jetables ou non
  • le gant de toilette
  • les lavages trop fréquents (sauf accident, une fois par jour suffit amplement)
  • les douches vaginales (RIEN ne doit rentrer dans le vagin !)
  • l'utilisation de savon lors des menstrues

A bas les stéréotypes !

Eh oui, l'eau suffit. Les savons "intimes" n'existent que grâce à l'inventivité des marquetteux, qui ont décidé de propager des mensonges pour vendre leur came.

NON, une vulve n'a pas besoin de savon pour être propre.
NON, il n'y a pas de méthode différente à adopter pour les enfants, les adultes et les personnes enceintes ou ménopausées.
NON, une vulve n'a pas besoin de deux lavages par jour, ou plus. Cette zone n'est pas plus sale qu'une autre partie du corps.
NON, une vulve ne sent pas mauvais. Si c'est le cas, c'est un signe d'infection, va consulter !
NON, l'utilisation de protège-slip parfumé ne va pas t'aider à "sentir bon de la culotte". Au mieux, c'est inefficace, au pire, tu fais se côtoyer des produits chimiques chelous et ta vulve. Ambiance.
NON, les douches vaginales ne sont pas utiles. Le vagin possède son propre système de nettoyage. Y ajouter du savon ou autre chose, c'est le moyen le plus sûr pour déstabiliser tout son équilibre, et donc de chopper une infection.
NON, un savon ne peut pas "resserrer" ton vagin. Ni du jus de citron. Ni rien du tout. C'est une légende urbaine.

Mais alors, un savon "intime" est utile en cas de problème médical ?

Selon la Docteure Phryné Coutant-Foulc, dermatologue spécialisée dans les pathologies de la vulve, le savon "intime" est un pur produit marketing, qui créée un besoin inexistant. En cas de vulvite ou de vaginite (qui arrivent plus fréquemment chez les enfants), un savon pour le corps adapté aux peaux fragiles est suffisant.

Tu peux donc recycler ton savon intime pour laver la litière de tes chats, te laver les mains ou faire la vaisselle. Et éviter d'en racheter une fois le pot vide. Sauve ta vulve, sauve ton porte-monnaie, et enlève de ta tête les stéréotypes culpabilisants ciblant les vulves. Cela dit, encore une fois, n'hésite pas à consulter. La santé c'est important.

Mais si tu n'es pas convaincu.e, Poiscaille, voici les Inci de quelques produits soit-disant "indiqués pour le nettoyage intime".

Compos compos

Comme d'habitude, pour comprendre l'Inci et le code couleur dans mes articles, tu peux trouver les détails ici.


  • Hydralin Fillette

INCI : Introuvable sur leur site. pH inconnu.
Aqua, Sodium Cocoamphoacetate, Sodium Cocoyl Apple Amino Acids, Panthenol, PEG-7 Glyceryl Cocoate, Polysorbate 20, Citric Acid, Nelumbo Nucifera Root Extract, Glycine, Lactic Acid, Phospholipids, Glycine Soya Oil, Glycolipids, Glycine Soja Sterols, Parfum, Disodium EDTA.

Conclusion : Tu t'en doutes, je recommande pas ce produit. Malgré son tensioactif doux, ce produit est polluant, potentiellement irritant, et contient un parfum indéterminé. Y'a mieux à trouver pour une vulve.

  • Saugella Girl 

INCI : Introuvable sur leur site. pH inconnu.
Aqua, Magnesium Laureth Sulfate, Propylene Glycol, Cocamidopropyl Betaine, Sodium Cocoyl Glutamate, Disodium Cocoyl Glutamate, Avena Sativa Kernel Extract, Hydrolyzed Oat Protein, Potassium Palmitoyl Hydrolyzed Oat Protein, Sodium Dilaureth-7 Citrate, Sodium Cocoamphoacetate, Calendula Officinalis Flower Extract, Disodium EDTA, Malva Sylvestris Leaf Extract, Hydrolyzed Rice Bran Protein, PEG-120 Methylglucose Dioleate, Lactic Acid, Sodium Benzoate, PhenoxyethanolPotassium Sorbate, Parfum, CI 16185.

Conclusion : Ce produit, c'est la fête aux tensioactifs irritants, composants polluants, avec en touche finale un colorant azoïque. A fuir donc.

  • Saforelle Miss 2 ans

INCI : Introuvable sur leur site. pH inconnu.
Aqua, Sodium CocoamphoacetateGlycerinLauryl Glucoside, PropanediolSodium Cocoyl Glutamate, Sodium Lauryl Glucose Carboxylate, Coco-GlucosideGlyceryl OleateParfum, PEG/PPG-120/10 Trimethylolpropane TrioleateLaureth-2Chlorphenesin, Isopropyl AlcoholAllantoinDisodium EDTA, Althaea Officinalis Root ExtractCitric Acid, Arctium Lappa Root ExtractMethylisothiazolinoneSodium Benzoate, Potassium SorbateTocopherol, Hydrogenated Palm Glycerides CitrateSodium Hydroxide.

Conclusion : Ce produit est tellement un bon exemple de bonne volonté foirée. Après une suite de différents tensioactifs doux, on tombe sur le Chlorphenesin, un conservateur très mauvais, au même titre que la Methylisothiazolinone ! Les "extraits naturels" (mais non bio attention) de bardane et de guimauve sont sous-dosés, autant dire que leurs effets seront minimes. Bref, à fuir !


  • Saforelle Miss Lingette intimes 2 ans

INCI : Introuvable sur leur site. pH inconnu.
Aqua, Pentylene Glycol, Cocamidopropyl PG-Dimonium Chloride Phosphate, Olus Oil, Glycerin, Lauryl Glucoside, Polyglyceryl-2 Dipolyhydroxystearate, Sodium Benzoate, PCA Ethyl Cocoyl Arginate, Parfum, Sodium Chloride, Glyceryl Oleate, Dicaprylyl Carbonate, Arctium Lappa Root Extract, Althea Officinalis Root Extract, Citric Acid, Potassium Sorbate.

Conclusion : De l'eau, suivie d'un humectant moyen et.. d'une substance pour cheveux cheloue. Les "extraits naturels" de bardane et de guimauve sont tellement sous-dosés qu'on peut se demander si ça vaut la peine de relever leur présence. Etant donné que l'utilisation de lingettes provoque souvent un assèchement des muqueuses, autant éviter.


  • Corine de Farme Gel intime Fille

Ce qu'en dit la marque : "Le Gel intime Fille est spécialement conçu pour la toilette intime quotidienne dès 3 ans. Sa formule extra-douce, enrichie en extraits de Calendula reconnu pour ses vertus apaisantes et en Glycérine végétale aux propriétés hydratantes, est parfaitement adaptée pour nettoyer, apaiser les sensations d’inconfort et hydrater au quotidien cette zone fragile."

INCI : Trouvable sur leur site. pH inconnu.
Aqua, Sodium Laureth Sulfate, Sodium Chloride, Glycerin, Disodium Cocoamphodiacetate, Disodium Laureth Sulfosuccinate, PEG-200 Hydrogenated Glyceryl Palmate, Lactic Acid, Styrene/Acrylates Copolymer, Sodium Benzoate, PEG-7 Glyceryl Cocoate, Allantoin, Citric Acid, Potassium Sorbate, Parfum, Sodium Hydroxide, Sodium Lauryl Sulfate, Calendula Officinalis Flower Extract, Sorbic Acid.


Conclusion : Mélange de tensioactifs doux et irritants, composants polluants, et un extrait de calendula en avant-dernière position (donc sous-dosé à mort). Faut croire que la glycérine est moins chère que l'extrait de calendula. "Formule enrichie", comment ils osent ? Allez vous faire cuire le cul, non mais ! Pas grand chose à sauver ici.



Voilà, avec tout ça tu devrais avoir une idée sur ce qui est le mieux pour tes parties génitales et celles de tes enfants. Je te recommande également le visionnage de cette vidéo très bien faite, par Clemity Jane, concernant l'hygiène intime, ainsi que la lecture de la BD de Klaire fait GRRR, qui s'est fendue d'une petite gueulante bien chouette.

Si tu hésites encore devant les rayons de produits proposés en magasin, tu peux également utiliser une chouette appli : CompoScan. Grâce à elle, tu auras un aperçu direct de ce que tu as dans les mains - et d'acheter ou non en conséquence.
A toi le pouvoir, Poiscaille !


Pour aller plus loin (attention, la plupart des liens versent dans le cissexisme) :

https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/01443615.2017.1395398?src=recsys (EN)